Évolution climatique et du paysage des îles Açores au cours du dernier million d’années

Cette soutenance aura lieu mercredi 20 décembre 2023 à 14h00
Adresse de la soutenance : Bâtiment 510 (Laboratoire de Physique des Solides), rue Nicolas Appert, Université Paris-Saclay, Orsay (91400) – salle Amphithéâtre Blandin

devant le jury composé de :

Pierre ANTOINE Directeur de recherche LGP-CNRS Rapporteur
Jan WIJBRANS Professor Vrije Universiteit Amsterdam Rapporteur
François CHABAUX Professeur Université de Strasbourg Examinateur
Giuseppe SIANI Professeur Université Paris-Saclay Examinateur

 

Résumé de la thèse en français :

L’évolution des îles volcaniques résulte d’interactions complexes entre croissance des volcans et processus de destruction (éruptions explosives, glissements de terrain, érosion fluviale, altération). Les changements climatiques peuvent influencer ces processus sur des échelles variées. A l’échelle événementielle, des précipitations intenses peuvent engendrer des épisodes érosifs extrêmes. Sur le long-terme, des variations des taux d’altération, sensibles aux précipitations et à la température, peuvent impacter la fertilité des sols et le cycle global du carbone.
Les îles volcaniques des Açores offrent un cadre idéal pour étudier ces interactions, avec une grande importance scientifique et sociétal, en particulier dans le contexte actuel du réchauffement climatique. Au centre de l’Atlantique Nord, elles sont influencées par des facteurs climatiques majeurs. Ces îles ont eu des pulses d’activité volcanique au cours du dernier million d’années (Ma), une période marquée par d’importants changements climatiques liés aux cycles glaciaires-interglaciaires. Si les variations des conditions globales ont été bien documentées sur cette période, la reconstruction paléoclimatique aux échelles locales/régionales reste un défi. Les paléosols (PSs) sont des anciens sols inclus dans le registre géologique. Leur géochimie fournit des informations précieuses sur les conditions paléo-environnementales, et la géochronologie des produits volcaniques les encadrant permet leur contrainte temporelle.
Dans ce travail, nous avons reconstruit les conditions moyennes annuelles de précipitation (MAP) et de température de l’air (MAAT) aux Açores au cours du dernier Ma. Deux proxies basés sur la composition en éléments majeurs des PSs ont été utilisés: l’indice d’altération CIA-K et l’argilosité, tous deux validés dans d’autres milieux volcaniques. La datation précise des unités volcaniques par K-Ar sur mésostase séparée (laves) et par 40Ar/39Ar sur monocristaux de feldspath potassique (dépôts pyroclastiques), révèle des «pulses» d‘altération sur quelques milliers d’années, notamment après les terminaisons glaciaires (MIS 21, 19, 11, 9e, 5e et 1). La géochimie des PSs montre des changements environnementaux rapides et des MAATs (12–28 °C) en accord avec les données de température marine de surface établies à partir d’archives océaniques. Cette concordance indique une étroite relation océan-atmosphère. Ces «pulses» suggèrent en outre des phases d’affaiblissement de l’anticyclone des Açores, permettant aux courants d’air humides d’atteindre des secteurs plus au sud.
Les taux moyens de formation des sols (3-180 mm/kyr) ont été influencés par la structure et la texture du substrat rocheux. Des PSs se sont formés lors de MAPs plus faibles dans les dépôts pyroclastiques que dans les coulées de lave (seuils de ~500 et ~800 mm/an). Cette différence supporte une cinétique favorisée par la fragmentation et une surface spécifique élevée. L’altération accrue en surface et le long des discontinuités géologiques de sub-surface peut avoir favorisé l’érosion par glissements de terrain. Des MAPs élevées (jusqu’à 1500 mm/an) sont notamment obtenues autour du stade interglaciaire de l’Eemien, qui coïncide avec l’initiation d’un glissement complexe sur le flanc Sud de Pico. Des MAPs intenses ont pu accélérer l’infiltration des eaux et favoriser les interactions hydromagmatiques. L’augmentation associée de pression interstitielle a ainsi pu déclencher la mise en mouvement du flanc le long de failles listriques toujours actives. Les conditions actuelles aux Açores sont plus humides et légèrement plus chaudes qu’au cours du dernier Ma, ce que pourrait favoriser le détachement du flanc externe de Pico, avec des conséquences potentiellement drastiques.
Plus généralement, l’altération accrue favorise l’évolution rapide du paysage sur de telles îles et engendre des flux élémentaires et une absorption de CO2 atmosphérique croissantes, ce qui a impacts locaux, régionaux et globaux.