Faciès sédimentaires, architecture et évolution diagénétique du Jurassique moyen et supérieur de la bordure nord-est du Bassin Aquitain (Dordogne, Lot, Lot-et-Garonne)

Image : Formation des dolomies bréchiques du Pech Affamat, Bajocien, vallée du Lot, Larnagol, France. Quentin Deloume-Carpentras

Les aquifères karstiques représentent une ressource en eau importante des bassins sédimentaires à l’échelle du territoire français. Dans un contexte de changement climatique imposant une gestion et une préservation de plus en plus complexe de la ressource en eau, une meilleure connaissance de ces systèmes karstiques s’impose, notamment pour les plus profonds. Leur distribution et leur géométrie sont le résultat d’une mise en place longue et polyphasée à l’échelle des temps géologiques, au sein de formations carbonatées (ou autres roches solubles) aux propriétés réservoirs hétérogènes. Un prérequis à une meilleure gestion des systèmes karstiques passe donc par une caractérisation détaillée des réservoirs qui les constituent et de leur dynamique de mise en place, qui s’acquièrent tout au long de l’évolution post-dépôt du bassin.

Les questions restantes :

La construction de modèles prédictifs de distribution des réseaux karstiques est difficile car des incertitudes demeurent sur les facteurs contrôlant la karstification. Particulièrement, le lien entre les paramètres géologiques (caractéristiques du réservoir, circulations de fluides) et le développement des karsts mérite d’être mieux établi. Deux questions générales peuvent être soulevées :

1) Comment l’héritage sédimentaire (architecture, faciès) et l’évolution diagénétique influencent la répartition des propriétés réservoirs, et donc sur la circulation de fluides à l’origine de la karstification. En effet, le lien entre paramètres sédimentaires et diagénétiques reste mal compris dans les systèmes carbonatés, bien qu’il contrôle la répartition des propriétés réservoirs (Caron et al., 2012 ; Ritter & Goldstein, 2012 ; Andrieu et al., 2017). Plusieurs questions ciblées subsistent : comment les architectures sédimentaires contrôlent-elles la répartition des ciments de blocage ? Quel est l’impact des discontinuités sédimentaires sur les propriétés réservoirs ?

2)  Quel est l’impact du mode (épigène ou hypogène) et de la dynamique (monophasée ou polyphasée) de karstification sur le développement/la répartition des karsts ? Cette question générale nécessite de répondre à des problématiques plus précises : quels sont les propriétés physico/chimiques et la provenance des fluides à l’origine de la karstification (fluides profonds, météoriques…) ? La kartification est-elle polyphasée ou monophasée ? Quel est l’âge des circulations de fluides ?

De nombreuses études se sont intéressées à la sédimentologie et parfois la diagenèse du Jurassique moyen et supérieur des Causses du Quercy dans les années 80 et 90 (Renault, 1978 ; Boichard, 1982 ; Pélissié, 1982 ; Gabilly et al., 1985 ; Bouilhac, 1987 ; Faugéras, 1988 ; Rey et al., 1988 ; Lézin et al., 1997 ; Poitevin, 1979 ; Kafa, 1998). Des études biostratigraphiques abondantes (Faugeras et Bassoulet, 1988 ; Hantzpergue et Lafaurie, 1993 ; Cubaynes et al., 2004 ; Hantzpergue et al., 2004 ; Alméras et al., 2013 ; Mazin et al., 2013), fournissent un calage temporel robuste et précis. Néanmoins, les études plus récentes (Lézin, 2000 ; Lézin et al., 2007) sont beaucoup plus rares. De plus, ces travaux restent souvent focalisés sur une zone géographique ou une période temporelle réduite. Il manque donc une étude globale intégrant les concepts de sédimentologie de faciès et de stratigraphie séquentielle, et les méthodes d’analyse géochimiques pour reconstituer l’architecture des dépôts et proposer un modèle sédimentaire et diagénétique détaillé du Jurassique moyen et supérieur de la bordure nord-est du Bassin Aquitain. Des karsts bien développés, correspondant à des aquifères importants, sont depuis longtemps identifiés dans les ensembles carbonatés du Jurassique de la bordure nord-est aquitaine (Cavaille, 1961 ; Billaud, 1982 ; Marchet,1991). Cette plateforme a subi au moins trois phases majeures de karstification épigène (liées à une dissolution par des eaux météoriques) au Crétacé inférieur, au Paléogène et du Miocène terminal à l’actuel (Philippe et al., 1980 ; Astruc, 1988 ; Legendre et al., 1997 ; Astruc et al., 2008 ; Dandurand et al., 2014 ; Husson et al, 2015). Plus récemment, des travaux ont montrés des indices de karstification liée à une dissolution par des fluides profonds qui complexifie l’histoire de la karstification de ce bassin (Bruxelles & Camus, 2014 ; Husson et al., 2016). Cette karstification dite « hypogène » pourrait être à l’origine des réseaux karstiques profonds sous couverture et responsable de la connexion hydraulique entre aquifères étagés, créant ainsi des systèmes karstiques de très grande taille. Préciser l’âge, la chimie, la température des fluides et les conditions de mise en place (associées ou non à une fracturation importante et le contexte de son développement) ayant circulés dans le bassin permettrait de mieux appréhender l’histoire de mise en place du système karstique et de mieux comprendre les interactions entre karstification hypogène et épigène à l’origine de l’organisation des réseaux karstiques.

Le travail de ce projet se concentrera sur le Jurassique moyen et supérieur des Causses du Quercy (bordure nord-est du Bassin Aquitaine) qui constitue une zone idéale pour répondre aux questions posées. En effet, le choix du terrain d’étude se justifie par :

– La présence de dépôts carbonatés dans lesquels se développent des systèmes karstiques particulièrement importants et parfois profonds, provoquant des circulations entre réservoirs (latérales, ascendantes ou descendantes) encore mal contraintes (Husson et al., 2015, Husson et al., 2016);

–  L’abondance des affleurements de qualité permettant une étude détaillée des architectures, des faciès et des discontinuités (plusieurs dizaines d’affleurements déjà repérés)

– La présence de données de sub-surface (forages, diagraphies…) offrant une vision complète de la série du Jurassique moyen et supérieur

– La mise en évidence d’une composante hypogène profonde dans la structuration des systèmes karstiques (Husson et al., 2016) dont l’origine, l’ampleur et l’âge sont inconnues. Ces incertitudes majeures sur le timing des circulations et fluides et leur origine, sont un frein à la compréhension de l’organisation des systèmes karstiques régionaux.

L’objectif général du projet vise à mieux comprendre la formation des systèmes karstiques, par une approche intégratrice depuis l’architecture sédimentaire des formations carbonatées à l’origine d’une pré-structuration des réservoirs, jusqu’à leur modification post-dépôt par la diagenèse, la fracturation et la karstification. En effet, la création de modèles prédictifs nécessite une caractérisation précise (1) des architectures sédimentaires et de la répartition des propriétés réservoirs, (2) de la provenance des fluides et de leurs propriétés physico-chimiques et leur condition de mise en place et (3) de l’âge et de la nature des circulations de fluides.

Dans un premier temps il s’agira de comprendre les interactions entre sédimentation et diagenèse qui régissent les propriétés réservoirs des systèmes carbonatés : i) l’architecture sédimentaire acquise lors du dépôt des formations carbonatées ; ii) l’évolution pétrographique du réservoir au cours de la diagenèse précoce ; et iii) la précipitation ultérieure des ciments aux cours de l’enfouissement et de l’exhumation due aux circulations de fluides de bassin. Le lien entre la précipitation des ciments diagénétiques et les paramètres sédimentaires (architecture faciès) ainsi que son influence sur la répartition des propriétés réservoir sera investigué.

Le second objectif est de contraindre le mode et la dynamique de la karstification, et son influence sur la répartition du réseau karstique. Dans le détail, il s’agit caractériser :

– Le type de fluide (chimie, température) à l’origine de la karstification et sa provenance (épigène versus hypogène). La proportion de réseaux karstiques de grande ampleur étant de plus en plus attribuée à une origine hypogène des fluides, il est important de prendre en compte la possibilité d’une structuration importante des réseaux karstiques par une composante hypogène au sein des bassins sédimentaires.

– La chronologie des circulations de fluides, relative (paragénèse) mais aussi absolue (datations). Une chronologie des périodes d’enfouissement et d’exhumation, pouvant être corrélées aux variations du niveau de base régionale, permettrait d’apporter des jalons complémentaires pour mieux contraindre les différentes phases de karstification épigène.

– Les conditions climatiques et pédogénétique associés aux surfaces d’émersion pouvant être à l’origine de potentielles phases de karstification précoce.

Références :

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Porteurs du projet

Benjamin Brigaud (GEOPS)

Source de financement

BRGM (convention de Collaboration n°P 2789 0)

Personnels impliqués à GEOPS

Quentin Deloume-Carpentras, Benjamin Brigaud, Jocelyn Barbarand, Thomas Blaise, Frédéric Haurine

Collaboration extérieure

BRGM, Orléans, France