Liens entre faciès sédimentaire, propriété microstructurale, diagenèse et réponse pétrophysique.

Image : Description de terrain : Carrière de la Barronie (Fontaine-sous-Montaiguillon), Bassin de Paris. La carrière présente des formations allant des argiles plastiques yprésiennes à la meulière de Brie (Rupélien).

L’exploration menée dans l’Atlantique-Sud dans les années 2000, sous des profondeurs d’eau de 2 à 3 km, notamment au large du Brésil (bassins de Campos et Santos) a permis d’atteindre des réservoirs carbonatés présents sous une épaisse couverture d’évaporites, réservoirs connus sous le nom de pre-salt (Beltrao et al., 2009). De grandes découvertes d’hydrocarbures ont été effectuées dans ces réservoirs carbonatés qui correspondent à des environnements continentaux (Carminatti et al., 2009, Saller et al., 2016). Très vite, leur mise en production a mis en exergue le manque de connaissance des propriétés pétrographiques, diagénétiques, microstructurales et pétrophysiques des carbonates continentaux, qui constitue un verrou important pour une meilleur caractérisation et modélisation du réservoir. D’une manière générale, les carbonates continentaux sont moins étudiés et connus que les carbonates de domaine marin. De nombreux travaux de Recherche et Développement ont récemment été engagés sur cette thématique (Beltrao et al., 2009) afin de comprendre / prédire leur hétérogénéité « réservoir ». Le challenge applicable est d’utiliser la connaissance des faciès sédimentaires pour optimiser le drainage des réservoirs. Dans la communauté française, nous pouvons citer les travaux académiques engagés récemment par les équipes d’Aix-Marseille, de l’Université de Bourgogne, du laboratoire de Géologie de l’ENS en collaboration avec Total ou l’IFPEN (Letteron et al., 2018, Teboul et al., 2016, Vennin et al., 2018, Bailly et al. 2019). Ces travaux ont pu mettre en évidence les caractéristiques drastiquement différentes des carbonates continentaux par rapport à leurs homologues marins, avec une complexité faciologique, pétrophysique, ou encore diagénétique. La forte composante microbienne et la forte variabilité de salinité des milieux de carbonatation continentale, d’une manière générale, rend les processus de dépôts et de diagenèse très particuliers et donc difficiles à décrypter. Par exemple, les phénomènes de silicification sont communs dans ce type de formation, mais la littérature sur leur origine (processus, types de fluides…) est peu abondante (e.g. Thiry et Ribet, 1999, Teboul et al., 2019). La variabilité des environnements : lacustres, palustres, côtiers, lagunaires, de sols, calcrêtes, travertins et des processus diagénétiques rend complexe la prédiction en terme pétrophysique ou de (micro)fracturation. En conséquence, les modélisations des réservoirs sont très aléatoires par manque de lien clairement établis entre perméabilité, propriétés acoustiques, faciès sédimentaire et diagenèse. La complexité des paramètres sédimentaires et diagenétiques affectant les carbonates continentaux aboutit également à des propriétés de résistance mécanique variées et difficilement prédictives, bien que leur caractérisation soit essentielle dans les zones urbanisées.

D’une manière générale, les carbonates continentaux présentent un fort intérêt pour l’exploitation des ressources du sous-sol (hydrocarbures, stockage CO2, géothermie …). Des séries carbonatées (>100m) constituent le substrat direct sous la région parisienne, et forment un intérêt majeur au regard de leur importance socio-économique (ressources en eaux potable, réservoir géothermique basse température, géotechnique/travaux du Grand Paris avec construction de 200 km de nouveaux tunnels d’ici 2030, mais également pour les potentiels stockages futurs de CO2, H2). Si les calcaires marins ont été largement étudiés dans le Cénozoïque du Bassin de Paris (exemple du Lutétien), très peu de travaux récents ont été entrepris sur les carbonates continentaux de la région parisienne, et l’origine de l’hétérogénéité de leur propriétés faciologiques, pétrophysiques ou minéralogiques reste peu comprise. Ces carbonates continentaux sont sujets à des processus diagenétiques complexes et souvent précoces dus aux fréquentes émersions qu’ils ont subis au cours de leur histoire. Des processus de dissolution, de recristallisation, de pédogénèse et de silicification viennent restructurer le sédiment initial et modifient drastiquement ses propriétés physiques. Cette difficulté à caractériser les hétérogénéités réservoirs et géo-mécaniques des systèmes carbonatés continentaux constitue la problématique centrale de ce projet dans lequel des liens entre faciès sédimentaire, microstructure sédimentaire et structurale, diagenèse et réponse pétrophysique devront être trouvés.

Références :

Bailly, C., Adelinet, M., Hamon, Y. & Fortin, J. (2019). Combined controls of sedimentology and diagenesis on seismic properties in lacustrine and palustrine carbonates (Upper Miocene, Samos Island, Greece), Geophysical Journal International, 219, Issue 2, 1300–1315.

Beltrao, R. L. C., Sombra, C. L., Lage, A. C. V., Netto, J. R. F., & Henriques, C. C. D. (2009). SS: Pre-salt Santos basin-Challenges and New Technologies for the Development of the Pre-salt Cluster, Santos Basin, Brazil. In Offshore Technology Conference. Offshore Technology Conference.

Carminatti, M., Dias, J., & Wolff, B. (2009). From turbidites to carbonates: breaking paradigms in deep waters. In Offshore Technology Conference. Offshore Technology Conference.

Lettéron, A., Hamon, Y., Fournier, F., Séranne, M., Pellenard, P., & Joseph, P. (2018). Reconstruction of a saline, lacustrine carbonate system (Priabonian, St-Chaptes Basin, SE France): Depositional models, paleogeographic and paleoclimatic implications. Sedimentary Geology, 367, 20-47.

Saller, A., Rushton, S., Buambua, L., Inman, K., McNeil, R., & Dickson, J. T. (2016). Presalt stratigraphy and depositional systems in the Kwanza Basin, offshore Angola. AAPG Bulletin, 100(7), 1135-1164.

Teboul, P. A., Durlet, C., Gaucher, E. C., Virgone, A., Girard, J. P., Curie, J., B. Lopez & Camoin, G. F. (2016). Origins of elements building travertine and tufa: New perspectives provided by isotopic and geochemical tracers. Sedimentary Geology, 334, 97-114.

Teboul, P. A., Durlet, C., Girard, J. P., Dubois, L., San Miguel, G., Virgone, A., Gaucher, E., & Camoin, G. (2019). Diversity and origin of quartz cements in continental carbonates: Example from the Lower Cretaceous rift deposits of the South Atlantic margin. Applied Geochemistry, 100, 22-41.

Thiry, M., & Ribet, I. (1999). Groundwater silicification in Paris Basin limestones; fabrics, mechanisms, and modeling. Journal of Sedimentary Research, 69(1), 171-183.

Vennin, E., Bouton, A., Bourillot, R., Pace, A., Roche, A., Brayard, A., Thomazo, C., Virgone, A., Gaucher, E., Desaubliaux, G., & Visscher, P. T. (2019). The lacustrine microbial carbonate factory of the successive Lake Bonneville and Great Salt Lake, Utah, USA. Sedimentology, 66, 165-204

Porteurs du projet

Benjamin Brigaud (GEOPS)

Source de financement

Par le programme du BRGM Référentiel Géologique de la France (http://rgf.brgm.fr/), convention de Collaboration n°2019-0157 BRGM/Université Paris-Saclay, dont financement du ½ salaire de thèse de Kevin Moreau (début oct. 2019), financement 2019-2022

Personnels impliqués à GEOPS

Kévin Moreau, Benjamin Brigaud, Thomas Blaise, Frédéric Haurine

Collaboration extérieure

BRGM, Orléans, France ; Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP), Sorbonne Université/CNRS, Paris, France ; IPGP, Université de Paris/CNRS, Paris, France ; Géosciences Environnement Cergy (GEC), Cergy Paris Université, Cergy, France