Datations croisées uranium-thorium, uranium-protactinium et carbone 14 de carbonates secondaires en grottes : recherche de critères de validation des échantillons et des âges : Application à l’art pariétal (ApART)

Image : Variabilité de la nature des films carbonatés recouvrant les peintures rupestres dans la grotte de Nerja (Espagne). Image en cathodoluminescence.

L’apparition de l’art au cours de la période paléolithique est l’un des épisodes fondateurs de l’histoire de l’homme. Elément du patrimoine de l’Humanité, les peintures pariétales des grottes ornées restent un sujet de recherche très actif notamment en ce qui concerne leur datation. La datation carbone 14 (14C) en spectrométrie de masse par accélérateur a ouvert la voie aux datations directes des peintures faites avec du charbon de bois (Valladas et al., 2001). La découverte de la grotte Chauvet (Ardèche) en 1994 et les datations directes par le 14C de certaines de ses représentations animales ont révélé leur grande ancienneté, entre 37.000 et 34.000 ans (Clottes éd. 2001, Valladas et al., 2005, Quilès et al., 2015). Mais, conjointement à ces datations de dessins, l’équipe pluridisciplinaire de la grotte s’est aussi attachée à réaliser une étude chronologique détaillée des vestiges trouvés au sol (fragments de charbon et vestiges osseux) pour caractériser les périodes d’occupations humaines et animales en relation avec l’évolution morphologique de la cavité. D’autres méthodes de datation ont aussi été employées (l’uranium/thorium sur les stalagmites et le chlore 36 sur la paroi) pour retracer l’évolution géologique de la grotte. L’ensemble de ces résultats forme aujourd’hui une base solide permettant d’affirmer que, dès l’avènement de l’homme moderne en Europe au début du Paléolithique supérieur, de grands artistes maîtrisaient parfaitement les techniques picturales, remettant en cause le schéma admis d’une évolution linéaire de l’art (Clottes éd. 2001, Valladas et al., 2005, Quilès et al., 2015). Les résultats obtenus à Chauvet, qui ont suscité la surprise dans les années 1990, ont révélé les lacunes de nos connaissances sur ce volet si important de l’activité humaine et la nécessité d’obtenir davantage d’informations chronologiques sur les représentations pariétales, en respectant les contraintes de leur conservation. Malheureusement, les possibilités de datation directe des peintures sont limitées car celles réalisées avec du charbon de bois sont minoritaires. En revanche, les gravures et les représentations tracées avec des oxydes métalliques (fer ou manganèse pour le rouge ou le noir respectivement), non datables par le 14C, sont très abondantes et leurs périodes de réalisation, très mal connues. Caler chronologiquement ces représentations est donc un challenge important qu’il est possible de relever aujourd’hui puisque nombre d’entre elles sont recouvertes de fins voiles carbonatés, déposés sur les parois des grottes pendant les épisodes humides.

Le projet ApART vise à mettre en place une approche qui soit, à la fois, concertée entre les acteurs des différentes disciplines (préhistoriens pariétalistes, géo-physico-chimistes, géochronologue et conservateurs), innovante de par les méthodes utilisées combinées sur lesquelles elle s’appuiera, et axée vers une meilleure compréhension de la nature des échantillons, information indispensable pour l’obtention de résultats chronologiques fiables et une meilleure conservation des œuvres.

La démarche associe : i) la caractérisation des échantillons (minéralogie, géochimie…) pour détecter de possibles altérations de la structure initiale des minéraux et sélectionner ainsi ceux qui se sont comportés en «système clos»,  et sont donc favorables à la datation ; ii) le couplage de plusieurs méthodes de datation (230Th/234U, C-14, et test du chronomètre 231Pa/235U) de façon à confronter leurs résultats respectifs et d’apprécier, in fine, la pertinence des âges obtenus en les replaçant dans leur contexte archéologique dans le cas des grottes ornées. iii) un travail méthodologique de miniaturisation des échantillons pour chacune des méthodes utilisées visant à accroître la préservation des sites archéologiques (taille des prélèvements la plus petite possible).

Porteurs du projet

Hélène Valladas (LSCE)

Source de financement

ANR (2019-2022)

Participants

Jocelyn Barbarand, Julius Nouet, Maurice Pagel, Edwige Pons-Branchu (LSCE), Christophe Peycharan (Univ Pau), Loic Martin (LSCE)